Mon beau quartier Saint Pierre

Reverrai-je jamais de ma ville d’Oran
Mon beau quartier Saint-Pierre et ses rues d’écrivains
Qui ont vu ma jeunesse et qui vingt ans durant
M’ont modelé l’esprit par leurs écrits divins !

RABELAIS humaniste et grand savant en somme,
Tu ne m'as pas légué un modèle de foi !
Toi qui as dis : "le rire est le propre de l'homme"
Je fis ce que tu dis : "enseigner dans la joie !"

CORNEILLE l'inventeur du style cornélien
Tu fis passer "devoir" avant "passion", je sais,
Mais de tout ton théâtre Ô combien tragédien,
J'ai pris la grandeur d'âme et puis l'intégrité !

RACINE que tu sais, à l'aide d'un acteur,
Avec quelques bons mots ou par de belles rimes,
Emouvoir, étonner, ravir un spectateur,
Aussi je pris de toi "l'action dans le sublime !"

BERANGER l'écrivain, plutôt le chansonnier,
Tu parles "liberté" quand la presse se terre ;
Tu as écrit "les gueux", "mon habit", "le grenier",
J'ai pris de tes écrits l'esprit du pamphlétaire !

BOILEAU tu l'as bien dit au cours de citations :
"Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage !"
Tu recherchais vraiment la haute perfection ;
À l'affut du détail, j'ai suivi ton adage !

BOILEAU, c'était ma rue : elle avait une aura,
Qui la différenciait des rues du carrefour,
Elle avait tout pour moi, tout sauf les "embarras"
Qui encombraient les rues de tous les alentours !

Elle a vu tous mes jeux et mes petits duels,
Elle a vu mes bonheurs, elle a vu mes malheurs,
Mes petites histoires, inventées ou réelles
Mes complots, trahisons, fausses joies ou vraies peurs !

Elle a vu commencer mes premières amours :
Celles qui m'ont dit "oui !", celles qui m'ont dit "non !"
Celles sans importance à qui j'ai dit :"toujours",
Toutes celles dont j'ai conjugué les prénoms !

Il y avait surtout à ce numéro seize
Une jolie blonde qui me laissait ravi ;
Son prénom m'est connu, il faut que je le taise
Car maintenant c'est le grand amour de ma vie !

Comme je me souviens de cette rue BOILEAU :
C'était le temps béni des copains et copines !
Le ciel était si bleu sans une ombre au tableau,
Avec tous mes voisins et surtout mes voisines !

Ah ! Que j'étais heureux dans cette rue BOILEAU :
Soumis à l'insouciance de mes dix huit ans ;
Je ne me doutais pas, de mon quartier si beau,
Que je regretterais ma rue, ma vie durant !

Jocelyn






Pauvre Algérie

Pauvre pays que je chéris,
Qui m’a vu naître et m’a nourri,
Les exilés et les pieds-noirs,
Ont tous l’espoir de te revoir
Resplendissant et prospère
Et accueillant les bras ouverts.

Toi qui as tous les atouts
Pour être bien et debout,
Toi qui as toujours été
Très désiré et convoité,
Tes hauts plateaux et le désert,
Tes terres du nord et la mer,
Ton sous-sol très généreux
Et tes enfants si valeureux,
Rien de cela ne profite point,
Et l’espoir encore moins.



Tant que persiste cette pègre
Qui fait fuir les intègres.

Tant qu’existent les spoliateurs
Des biens publics et des valeurs,

Tant qu’on est intimidé
Pour une cause ou une idée,

Tant qu’on finit en prison
Pour avoir eu seulement raison,

Tant que les richesses sont partagées
Entre amis et protégés,

Tant que persistent ces combattants
Qui nous font perdre notre temps,

Tant que tout cela existe,
Je prie pour toi, alors résiste

Miloud






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Oran...



Et maintenant que tu as divorcé
      De ta beauté et de ton triomphant passé,
Et maintenant que tout en toi est vil,
      Que tu as perdu l’aspect d’une ville,
Et maintenant que chaque cœur battant Oran
      A trépassé ou est déjà mourant,
Et maintenant que tout ce monde en toi présent,
      Refuse le civisme et tout ce qui est plaisant,
Et maintenant que tout en toi a changé,
      Que ta laideur ne peut plus me déranger,
Et maintenant que tout notable et autochtone,
      N’ont plus pour toi qu’une vue monotone,
Et maintenant que je ne te reconnais point
      Dans ton ensemble ni de prés ni de loin,
      Alors je ne t’appellerai plus Oran par ton nom...

Que mon cœur te pleure, je ne lui dirai pas non,
Tes deux lions je remplacerai par deux guenons.
Et même si je dois pleurer sans arrêt,
Mes larmes ne pourront jamais rien réparer.

Quand je circule à travers tes routes,
L’envie me tient de chanter l’absoute.
ORAN, le Santa Cruz assiste à ton chevet,
Aux quelques massacres restés inachevés,
Du haut du Murdjadjou, je te vois en larmes,
Quiconque en doute, qu’il visite la place d’Armes.
Qu’il visite tes entrailles et demande au TRO*,
Mis à l’écart, il se tient a carreaux,
Et pleure en silence la mort brutale,
De l’hôtel Martinez, une perte capitale.

Miloud



* TRO : Théâtre Régional d’Oran







L’ACCENT DE LA-BAS...

Oh! mon Dieu! Ils m’ont tout pris : mon pays, ma maison, mon ciel bleu,
Mes djebels et ma petite église.
De mon pays perdu, il ne reste plus que l’accent.
Seigneur! Faites que le temps qui passe ne me prenne pas mon accent.

Ce n’est pas que l’accent de la Provence ne sente pas bon le thym et la lavande...
Ce n’est pas que l’accent du Nord ne soit pas noble et généreux...
Ce n’est pas que l’accent de Paris ne soit pas beau...
Mais le mien, Seigneur, c’est tout ce qui me reste de là-bas !

Parfois il y en a qui disent que mon accent il sent la merguez.
Ils ne savent pas ces ignares, qu’au lieu de me vexer,
Ils remplissent mon coeur de joie.

Oh! Seigneur, faites que le temps qui passe ne m’efface pas mon accent.
Cet accent-là,
C’est l’accent de mon père qui, à Monte Cassino, a crié à ses tirailleurs:
“ Allez Larbi ! Allez Mohamed ! Et en avant nous zôtres, pour la France ! “
Cet accent-là, Seigneur,
C’est l’accent de mon grand-père qui a crié à Verdun à ses Zouaves :
“ Allez Pépico ! Allez Juanico ! Baïonnette au canon et vive la France “

Si le temps me prend mon accent,
Comment vais-je faire mon Dieu
pour raconter à mes petits-enfants,
Avec l’accent de Paris,
Comment c’était chez nous-zôtres ?

Parce que vous savez Seigneur,
Vous m’entendez mon Dieu, moi, avec l’accent d’ici,
Leur dire comment criait le marchand de légumes
Dans les ruelles de chez nous ?

C’est pas que l’accent d’ici ne soit pas joli,
Mais mon Dieu, vous m’entendez leur dire
Les gros mots que l’on disait à Galoufa, l’attrapeur de chiens,
Avec l’ accent, de Paris, Marseille, ou de Lyon ?

Alors Seigneur, je vous en supplie,
Laissez-le moi encore un peu l’accent de là-bas,
L’accent de mon pays perdu.

Auteur inconnu


Ce poème est inspiré de "Prière pour garder mon accent"
parue dans le n° 299 de l'Echo de l'Oranie, page 13.






Qui es-tu toi pays
Qui me ronges par les souvenirs que tu m'imposes ?
Ces souvenirs que tu m'obliges à supporter
Comme un mal incurable nécessaire à ma vie.

Je te hais du fond de moi
Puisque tu me refuses le droit de t'aimer

Quel est ton nom déjà ?
As-tu déjà oublié
Que tu fus France Liberté ?
As-tu déjà oublié
Que tu fus France Egalité ?
Aurais-tu déjà oublié
Que tu fus France Fraternité…

Je te pardonne
L'ayant moi-même oublié.

Toi, pays étranger désormais
Tu as fait de moi un Etranger
Et je te cherche partout
Sans jamais te trouver
Sans jamais me trouver …

Dans les yeux de ceux qui les ont fermés à jamais
Tu avais laissé briller une faible lueur
Une flamme fragile qui alimentait leurs souvenirs
Eclairant le chemin qui menait jusqu'à toi,
Mais tu n'as pas voulu qu'ils sachent
Avant de partir, que tu n'existais plus,
Puisque pour eux, toi seul existais.

Fièrement tu ploies sous les coups,
Et de te savoir malmené
Et trahi par ceux que tu as portés
Mon coeur pleure avec toi
Ton orgueil est le mien
Et ma haine devient amour…


Gary






D’ ALGER



A presque seize ans portant dans mes bagages
La glorieuse illusion d’une Patrie reconnaissante,
Je mis le pied sur son sol chéri sans ambages,
Nul laurier ne me fut offert par Marianne rougissante.

Nous étions ses fils pour bâtir sa grandeur sans faille
Et mourir bravement sur ses champs de bataille…
Mais nous sommes, de la tache originelle, marqués « étrangers »
Car nous ne sommes pas de sang de France, mais de sang versé.

J’errais de ville en ville à la recherche d’espoir,
Mais dans chaque rue révélée je vis mon désespoir.
Je fus gens de nulle part et sans avenir d’ ailleurs,
Porteur d’un fier passé abandonné aux menteurs.

Dans l’errance des chemins empruntés,
Fi des blessures éternelles des batailles passées,
Comme mes ancêtres jadis fièrement demandés,
L’uniforme du serviteur de ma Nation j’enrôlais.

Malgré les trente-huit années dévouées et comptées,
Malgré les blessures alarmant mon corps exacerbé,
Un hobereau hautain et méprisant de sa qualité
Me somma de justifier en ces lieux ma nationalité.

A vous gens de France et des pays rattachés,
Je me proclame Pied-noir, fils d’ Alger…

Pierre-Charles MAZELLA.





Donne-moi, là-bas…


Encore un jour,
Encore une heure…
Encore un instant d’amour,
Encore un matin de chaleur,
Encore une nuit sans sommeil,
Encore une aube qui s’éveille…

Toi la Vie a qui j’ai tout donné,
Toi la Vie qui m’a tout pris,
Ce soir… les yeux mouillés,
Je te supplie.

Encore un jour,
Encore une heure,
Quelques instants de bonheur…
Dans ce froid qui s’installe déjà dans mon cœur,
Dans ce cœur que tu as fait pleuvoir
Me rappelant qu’on ne décide pas les sentiments,
Que l’orage qui fait battre le sang
Draine davantage les regrets de futiles serments
Que les souvenirs de merveilleux moments…

Encore un jour,
Encore une heure,
Pas plus, je te le promets,
Pas davantage je n’exigerai,
Que seulement un jour,
Que seulement une heure…

Donne-les moi encore une fois,
J’accepte que ce soit la dernière…
On oublie tout, mais pas la dernière fois
Et si tu me l’accordes,
Là-bas, chez moi,
Je l’emporterai avec moi,
Cette dernière heure de ce dernier jour
Avec au fond de moi,
Le regret de ne t’avoir demandé que çà….

Gary








Rivages d'Oranie


Assis sur un rocher j'écoute bien souvent
L’enivrante chanson de la Mer et du vent.
La mer est à mes pieds, si bleue, belle et immense
Qu’elle me fait rêver : je la regarde et pense.
Elle étanche ma peine en douceur et sans peine
Quand parfois j’épanche ma douleur et l'entraîne !
Un vague murmure venant des vagues, oh !
Infini et vivant petit clapotis d'eau.
Monotone et prenant est son refrain qui traîne,
C'est la douce chanson d’invisibles sirènes.
Mais je regarde au sud, au-dessus de l’écume,
Une terre là-bas, apparaît dans la brume.
Cette mer caressant la côte d’Algérie
Vient rouler les galets de mon pays chéri.

C’est ma terre natale et c’était ma patrie :
Pour elle je n’avais que de l’idolâtrie !
C’est mon « Île » perdue, loin de moi, éthérée,
Ne sachant toujours pas si je la reverrai.
J’ai tout laissé là-bas, mes plus belles années
De l’autre côté de la Méditerranée !
Malgré qu’il m’ait trahi, malgré qu’il m’ait banni,
Je n’oublierai jamais mon pays d’Oranie.
Je n’oublierai jamais cette ville d’ORAN
Pour tous mes souvenirs, un hommage lui rends.

Je n’oublierai jamais son merveilleux rivage
Que j’ai souvent longé, à pieds ou à la nage :
De la ‘Pointe d’Aiguille’ aux criques de ‘Kristel’,
Des genêts du ‘Cap Roux’ au plat de ‘Canastel’ ;
Des Falaises d’Oran aux mains de ‘Notre Dame’
Protégeant le ‘Vieux Port’ où j’ai fait de la rame ;
Du haut de ‘Santa Cruz’ aux jetées de "Kébir"
Enserrant dans ses bras sa rade et ses navires ;
Du "Fort de l'Escargot" au "Rocher de la Vieille"
Où le point de vue est une pure merveille :
La Corniche en lacets sur la route des plages,
Le chemin du bonheur, du soleil, du bronzage.

Je n'oublierai jamais cette vue maritime :
Sa côte découpée dans sa beauté sublime !
Du sable de ‘Trouville’ humecté par la mer
Où le soleil et l’eau se mariaient à la terre ;
Des plages ‘d’Aïn el Turc’, au bout du ‘Cap Falcon’,
De ses sables dorés frôlés de mon balcon ;
De ses fenouils de sable aux asperges du Phare
Qu’un jour m’y promenant, j’ai trouvées par hasard !
Et puis ‘les Corales’, aussi ‘les Andalouses’,
Et toi belle ‘Île plane’ que la mer épouse !
Et vous ‘Les Habibas’ en face du ‘Cap blanc’,
Vous reverrai-je un jour et pour tout dire : quand ?

Alors ces souvenirs qui viennent m’assaillir
Me font tergiverser : l’aimer ou la haïr ?
Car ayant tout perdu, de tout mon paradis,
Il ne me reste plus que son nom : ORANIE !

Jocelyn

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