Les Juifs
Ne connaissant pas bien cette catégorie de notre communauté pied-noir, je serais très sensible à l'intervention sur cette page, d'israélites, de membres de leur famille ou de leurs enfants, pour témoigner de ce que furent les juifs en Algérie et de ce qu'ils sont devenus en France ou ailleurs ....
J'essaie ci-dessous de retracer l'Histoire juive à ORAN que j'espère compléter avec votre participation.
Merci de bien vouloir apporter votre contribution à ce site qui est aussi le vôtre...
L’ histoire des Juifs à ORAN
de l’antiquité à nos jours.. Arrivée des juifs avec les Phéniciens Immigration des juifs de Cyrénaïque et d'Egypte au 2ème siècle. Véritable création de la ville vers 903 : Ouahran. Les premiers juifs avec les Almoravides, puis avec les Almohades. Persécutions diverses ainsi qu'avec les Mérinides. 1287 1ère arrivée des juifs de Majorque 1391 puis 1492 Arrivée des juifs d'Espagne.
Les juifs d'Oran s'adaptent à cette nouvelle civilisation. 1509 Prise d'Oran et de Mers El Kébir par les Espagnols.
Vie libre des Juifs jusqu'en 1669. 1669 Expulsion totale des juifs. 1708 Les Turcs s'emparent d'Oran.
Les juifs reviennent. 1732 Retour des Espagnols. Les juifs sont de nouveau expulsés 1792 Les Turcs reprennent possession de la ville et le bey accorde diverses faveurs aux juifs pour qu'ils se réinstallent à Oran. 1830 Arrivée des Français à Alger. Le Pourim * d' Oran. 1831 Arrivée des Français à Oran, organisation des écoles, la langue. 1859 Arrivée des juifs de Tétouan. 1865 Senatus consulte sur l'état des personnes et des biens. 1870 Le décret Crémieux.
" Les Israélites indigènes des départements d'Algérie sont déclarés citoyens français. En conséquence, leur statut réel et leur statut personnel seront, à compter de la promulgation du présent décret, réglés par la loi française.
Toutes dispositions législatives, décret, règlement ou ordonnance contraires sont abolies." A partir de 1871 L'antijudaïsme à Oran sous différentes formes à travers les élections et les journaux.
L’ex-abbé Lambert, maire de la ville fonde les « Amitiés Lambert » mouvement anti-sémite affiché. 1956 Grève des dockers à Oran . Saccage des magasins du quartier juif 12 décembre 1960 Profanation du cimetière juif d'Oran
Dès le IIème avant J.C., ce sont les Phéniciens qui habitent Oran et surtout les juifs qui eux, y font commerce. Depuis ce temps les juifs sont présents dans la ville et seuls parmi toutes les entités humaines, ils ont connu sans perdre leur identité la longue série d'empires qui gouvernent cette terre depuis Carthage jusqu'à la France.
Et lorsque Isabelle la Catholique expulse tous les juifs d'Espagne, le mardi 31 juillet 1492, c'est 200 000 personnes qui s'expatrient et un millier d'entre eux vers le Maghreb ; Oran en recevra la plus grande part.
Jusqu'en 1850, la ville se cantonne dans les bas quartiers avec une seule pointe sur le plateau représentée par le quartier israélite
Le 14 juillet 1865, date à laquelle Napoléon III signe le senatus consulte sur l'état des personnes et de la naturalisation qui frappe de nationalité française les israélites et les musulmans qui le désirent, marque le début, en Algérie et à Oran, de la période anti-juive. Dès le début, l'antisémitisme algérien est une affaire de politique électorale. La première ligue anti-juive est fondée en juillet 1871 pour écarter les juifs des urnes ; nouveaux électeurs, ils sont 15% du corps électoral et en mesure d'arbitrer les conflits. Car, dociles et sans formation politique, ils votent selon les indications de leur consistoire. Or ceux-ci sont parfois présidés par des personnalités aussi discutées que le fut Simon Kanoui "Le Rotschild d'Oran", grand électeur de l'Oranie de 1871 à 1897 et qui proclamait beaucoup trop haut et beaucoup trop fort que personne n'entrerait à la Mairie sans son aval. Quand l'affaire Dreyfus éclate, la vague anti-juive grossit brusquement.
Des ligues anti-juives se créent, rassemblant dans un parti "français" les électeurs de gauche. Ils l'emportent aux élections municipales de 1897 : C'est le pharmacien Gobert, radical anti-juif, qui est élu. En mai 1897, un attentat contre un conseiller municipal d'Oran, venu assister à une course cycliste à Mostaganem, provoque le pillage du quartier juif de cette ville par les Musulmans et les européens. Cet exemple est suivi à Oran où la mise à sac des boutiques appartenant aux israélites dure trois jours.
Cependant le gouvernement refuse d'accéder aux exigences de la population qui demande l'abrogation du décret Crémieux.
Mais le marasme économique dans lequel se débat l'Algérie démobilise les politiciens. « On ne vit pas de politique » est-il écrit dans la dépêche algérienne du 1er avril 1902. Aux élections de la même année, les candidats républicains l'emportent sur les anti-juifs : Le calme est revenu.
Le docteur Molle est soutenu dans sa campagne par le journal "Le Petit Oranais" qui a pour manchette une phrase de Luther : « Il faut mettre le soufre, la poix et s'il se peut le feu de l'enfer aux synagogues et aux écoles juives, détruire les maisons des juifs, s'emparer de leurs capitaux et les chasser en pleine campagne comme des chiens enragés ». Obligé, à la suite d'une plainte du Gouverneur Général Violette de retirer cette manchette, le journal ornera, quelques années plus tard, sa première page d'une croix gammée. Les Unions Latines du docteur Molle prospérèrent et, de 1926 à 1932, elles domineront la vie politique de l'Oranie.
En 1932, un an après la mort du docteur Molle, Oran et Sidi Bel Abbès éliront encore des députés qui se proclament d'abord anti-juifs, par exemple Michel Pares qui se mettra au service de Mussolini.
Avec la montée de la crise économique, l'antisémitisme un peu assoupi se réveille ; "Le Petit Oranais" retrouve son ton furieux ; d'immenses croix gammées peintes au goudron apparaissent sur le mur des édifices d'Oran. Les établissements Juan Bastos ornent leurs cahiers de papiers à cigarettes de 12 croix gammées sans qu'on puisse dire s'il s'agit d'un manifeste politique ou d'un sens publicitaire dévoyé. La crise économique est toujours fort préoccupante et, le 17 décembre 1933, " Oran Matin" note : « Babouchiers, cordonniers, brodeurs n'ont plus rien à faire ; tous se promènent dans les rues offrant le triste spectacle du chômage et de ses funestes conséquences. » Le Maire, quant à lui, constate que « des tribus entières de pauvres diables n'ont rien ; tant que durent les figues de Barbarie, ils peuvent vivre ; après, ils en sont réduits à voler. »
La crise viticole des années 34 et 35 favorise la création de fronts paysans et la campagne du Front Populaire sert également de prétexte à une nouvelle et vigoureuse poussée d'antisémitisme.
A Oran, le maire, l'ex-Abbé Lambert, prêche, coiffé du casque colonial et ceint de l'écharpe tricolore, la mobilisation générale contre les juifs et le Front Populaire. Fondateur des "amitiés Lambert", il reprend la politique anti-juive des " unions latines" et désigne le Front Populaire comme une manifestation d'impérialisme juif. Idole de la plèbe oranaise, il déchaîne l'enthousiasme à chaque discours . Son buste, vendu 3 francs se trouve dans toutes les maisons oranaises ; c'est paraît-il une précieuse amulette pour les femmes en couches.
Il faudra la loi du 21 avril 1939, réprimant les excitations à la haine raciale pour faire taire les anti-juifs d'Algérie.
Témoignages
Les souvenirs d'un petit garçon de Saint AntoineJe m’appelle Max Alzerah, je suis né le 27 juin 1946 à Oran au 3 impasse Riga mitoyenne à l'école Montaigne de la rue du Cirque que j’ai fréquentée.
Malheureusement à cause de la guerre d'Algérie il a fallu partir, c'était la dernière avant mon départ pour la France (précisément Lyon) où j'ai eu un peu de chance en retrouvant mon frère qui y habitait depuis 1957.
Je peux vous dire que çà n’a pas été facile pour nous. Je suis issu d'une famille de huit enfants et nous ne sommes pas partis tous ensemble. Nous avons été dispersés, moi j'étais avec ma maman et ma petite soeur Reine. Nous avons quitté Oran sur le « Ville d’Oran » le 5 novembre 1961, j'avais précisément 15 ans et demi, ma petite soeur n’avait que 11 ans et ma maman 46 ans. Pour situer, le reste de ma famille est partie un peu avant nous, à l’exception de mon père et mon frère Jacquie qui ont quitté l’Algérie en 1962.L’impasse Riga se situait entre le boulevard de l'Industrie et le boulevard du 2ème Zouaves, puis il y avait le cinéma Le Paris. J'habitais juste derrière le cinéma et je me souviens qu'il y avait une porte de sortie dans l'impasse Riga. En face et à l'angle du boulevard du 2ème Zouaves se trouvait le café « Le Palace » et je me souviens que le lendemain soir de Kippour (le Grand Pardon, fête juive), à la sortie de la grande synagogue du boulevard Joffre, nous allions « couper le jeûne », boire un café chez Elie (le patron du Palace). Je me souviens également qu’en face il y avait l’entreprise de confection de bâches « Vidal et Manegat ». Ensuite, pas très loin, il y avait l'école Saint André (de son vrai nom Ferdinand Buisson) filles et garçons, école que j’ai fréquentée aussi. En face, il y avait le marchand de bonbons Dahan (on l'appelait Hugo), puis l'église Saint André sur la Place du Colonel Ben Daoud, et en haut « La Concorde ». La Concorde était une salle de sports où j'allais m'entraîner et où je faisais du sport. « L'Alliance » était une école hébraïque. Nous y allions pour apprendre l’hébreu afin de pouvoir faire notre « Bat Mitsva » (communion juive).
Quelle tristesse d’avoir quitté notre si beau pays, Oran qui aujourd'hui semble subir encore cet abandon. Le temps a passé, j'ai perdu mon papa YAHO le 12 avril 1996. Il avait 90 ans, que son âme repose en paix. Il était tout pour moi. Pour ceux qui ne l’ont pas connu, Papa avait une épicerie à Saint Antoine, 9 rue Interne Ginet en face du Café maure et à l'angle du coiffeur Félix. J'ai travaillé avec mon père et, bien sûr avec mon frère Jacquie. Après l'école, j'arrivais au magasin pour donner un coup de main. Selon les clients, que parfois je servais, j’étais tour à tour Max ou Maxo ou Manou, ils m'appelaient comme çà… Quand arrivait « Pessa’h » (la Pâque Juive) il m’arrivait d’accompagner le transporteur Hassan, dans son camion, pour aller à Eckmühl chercher « la galette » (galette au pain azyme, sans levain) : 4 ou 5 tonnes de galettes pour la clientèle. Alors il fallait voir çà : on déchargeait le camion et moi je contrôlais les paquets de 1 kg au déchargement. Maintenant que je n'ai plus mon père, lorsqu’arrive la Pâque juive je me remémore ces années-là en pensant à lui…
Ceci est un échantillon que je vous donne alors et j'en passe ; je pourrais en faire un livre, c'est au programme, je vais le faire.Pour ce qui concerne Maman, elle est encore en vie, elle a 95 ans et souhaitons que Dieu lui prête vie jusqu'à 120 ans, comme on dit chez nous; pour elle, la santé c'est moyen, comme une personne âgée.
Je me souviens aussi, j'allais tous les vendredis chez le coiffeur Félix qui était à l'angle de la rue de Calvi et de la rue Interne Ginet à Saint Antoine. Pour situer Saint Antoine (la place Laurence comme on disait), tout d'abord, en face de chez Félix il y avait le mécano, à côté du mécano il y avait la boulangerie Rosiqué, à côté Lolo le boucher (Bensoussan) où ma mère achetait la viande. Il avait deux garçons, Richard et Paulo, puis à côté il y avait un café où j'allais jouer au baby-foot avec les copains. En face il y avait Darmon l'épicier, puis Karsenty les céréales, puis on arrivait au cinéma « Victoria » qui est devenu aujourd'hui une pharmacie- café-épicerie. Puis, je continue, le grand café où il y avait la kémia (les fèves, les anchois, les tramoussos et j'en passe). Juste en face de ce café il y avait un grand arbre dans lequel je jouais. Je grimpais aux branches, jusqu'en haut (on m'appelait Tarzan pour vous dire !), puis à côté il y avait un ébéniste, on y fabriquait des meubles.
Dans la rue de Calvi (angle du salon de coiffure Félix) il y avait Charbit le bijoutier, à coté Paco le pâtissier, puis l'épicerie Amouzig, en face le tailleur Dray et au bout de la rue on arrivait à la rue de Tlemcen qui, prolongée par l’avenue d’Oujda aboutissait aux Arènes d'Eckmühl sur la gauche, et les Cafés du Brésil à droite…
Voila, j’ai fait le tour de mon quartier où mon père tenait son commerce.
Maintenant pour ce qui concerne la communauté juive pied-noire, après l'indépendance nous nous sommes dispersés de par le monde malheureusement… J’espère que quelques gamins de Saint Antoine, de toutes confessions, se souviendront, en parcourant ces lignes, d’avoir déambulé dans ces rues, du temps heureux de nos jeunes années.Pour ce qui concerne le quartier juif, il y avait la grande rue de la Révolution qui commençait à la Place d'armes et allait pratiquement jusqu'à la Place du Colonel Ben Daoud d’où partait sur la droite la rue Léoben (il y avait un bain d'Ephraïm dans cette rue), puis toujours dans le quartier on ne peut pas ne pas citer la Rue des Juifs qui, en fait s'appelait la rue d'Austerlitz. Il y avait de nombreuses petites rues, par exemple, ma grand’mère habitait 3 rue Damiette. Pour accéder à cette rue il y avait une descente, de grands escaliers, puis pas loin j'allais jouer au baby-foot dans un café avec des copains du quartier.
Pour terminer, permettez que j’énumère quelques fêtes juives dans l'année :
- Bichevat (la fête de l’ arbre, 15ème jour du mois du Chevat dans le calendrier juif et qui marque le début d’une nouvelle l’année pour les arbres),
- Roch Hachana (nouvel an du calendrier hébraïque),
- Yom Kippour (jour du Grand Pardon, jour de jeûne),
- Soukkot (une des trois fêtes de pèlerinage du judaïsme),
- Hanoucca (fête qui dure 8 jours, commémorant la consécration de l’autel des offrandes et pendant laquelle le Chandelier de Hanoucca reste allumé),
- Pessa’h (fête qui commémore l’exode des hébreux hors d’Egypte, Pessah marque la naissance des enfants d’Israël),
- Chavouoth (fête qui commémore le don de la Torah et des Dix Commandements aux Hébreux. Avec Soukkot et Pessa’h elle est l’une des Trois fêtes de pèlerinage marquant l’année).49 ans ont passé et voila, on a essayé de s'habituer à la vie lyonnaise, on n'a pas eu le choix c'est la vie, on n'y peut rien.
Pour la communauté juive d'Oran, nous nous sommes tous dispersés dans tous les coins du monde, ce fût une grande déchirure pour nous tous .Voilà j'espère n’avoir pas été trop bavard car je vous signale que j'ai toujours la nostalgie de là-bas, mes racines, mon pays où je suis né.
J'espère que mon témoignage vous aura fait revivre les petits et grands souvenirs de notre cher et tendre pays qu’on ne peut pas oublier. Si Dieu le veut, je retournerai revoir mes racines à Oran, je sais qu’elles ne seront pas les mêmes que celles que j'ai laissées, mais ce n'est pas grave, ce sera tout simplement pour enlever le poids que j'ai sur mes épaules depuis 49 ans .Max Alzerah fils de l'épicier de la rue Interne Ginet au n°9, en face du Café maure à Saint Antoine.
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